Mahboub AZADEH (Master GESS, 2022) : des télécoms aux Restos du Cœur
"Ce qui m’a plu est que je participais au maintien d’une infrastructure concrète secourant les familles dans la précarité. Nous recevions chaque jour leur gratitude lorsqu’elles partaient avec un panier bien rempli."
C'est après 35 ans de passés dans l'industrie des télécoms que Mahboub AZADEH a décidé de se reconvertir dans le domaine du social. Pour cela, il a décidé de s'inscrire au sein du Master Gestion des Entreprises Sociales et Solidaires (GESS) à l'IAE Paris-Est.
Bonjour Mahboub. Pourriez-vous présenter votre parcours scolaire et professionnel s’il vous plaît ?
J’ai un parcours assez atypique. Après avoir obtenu un Doctorat en informatique, j’ai évolué dans le domaine des télécoms durant près de 35 ans. Néanmoins, cela faisait déjà plusieurs années que l’idée de me reconvertir dans le domaine du social me trottait dans la tête. J’ai alors profité d’un plan de départ volontaire dans mon ancienne entreprise pour donner une nouvelle tournante à ma carrière. J’ai postulé au Master GESS et, malgré le fait que je sois dans la soixantaine, j’ai été accepté pour mon plus grand bonheur !
Après l’obtention de celui-ci, j’ai postulé dans des établissements de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) et j’ai obtenu un poste aux Restos du Cœur. J’avais pour mission de diriger un projet de création d’une entreprise d’insertion. Beaucoup ne le savent pas mais Les Restos du Cœur ne sont pas seulement des centres de distribution alimentaire. Nous nous occupons aussi de l’insertion des personnes en difficultés, de l’apprentissage de la langue française pour les étrangers, de l’organisation de vacances pour les familles précaires, etc. Malgré nos efforts, les équipes et moi n’avons pu aller jusqu’au bout du projet à cause du manque de subventions de l’État. J’ai ensuite occupé le poste de Responsable de la gestion d’un centre de distribution alimentaire dans le département de l’Essonne. Il s’agissait d’un centre de taille moyenne car nous accueillions près de 700 familles par semaine, ainsi que 70 bénévoles.
Enfin, je viens tout récemment d’accepter le poste de Responsable départemental d’insertion et d’aide à la personne. Cela concerne les périmètres suivants : insertion, estime de soi, voyages familles, logement, accès à la justice, à la santé et aux droits sociaux, inclusion numérique, etc. Je vais alors coordonner, depuis le siège du département, les activités d’une quinzaine de centres.
Pourquoi avez-vous fait le choix de vous orienter vers le domaine de l’Économie Sociale et Solidaire ?
Comme dit précédemment, cela faisait près d’une dizaine d’années que le domaine du social m’intéressait, et ce malgré le fait que j’étais dans le monde classique de l’entreprise. J’avais véritablement le souhait d’être plus utile et d’aider les gens dans le besoin.
"La particularité de mon poste était que j’occupais les mêmes fonctions qu’un Directeur d’un grand supermarché."
Il est peut-être trop tôt pour parler de votre retour d’expérience de Responsable départemental d’insertion et d’aide à la personne mais parlons de votre poste précédent. En quoi être Responsable de la gestion d’un centre de distribution alimentaire vous a-t-il plu ?
La particularité de mon poste était que j’occupais les mêmes fonctions qu’un Directeur d’un grand supermarché : je gérais les bénévoles, les comptes, l’approvisionnement, la distribution, les stands, les inscriptions des nouveaux bénéficiaires, etc. il y avait cependant deux différences. La première particularité est qu’aux Restos du Cœur, on choisit nos « clients ». Les familles s’inscrivent et on étudie leur dossier pour voir si elles peuvent être éligibles à notre aide. Si ce n’est pas le cas, nous les redirigeons tout de même vers d’autres associations pour les épauler. La seconde différence est que nos « clients » ne payent rien, il n’y a pas de transaction monétaire.
Ce qui m’a plu est que je participais au maintien d’une infrastructure concrète secourant les familles dans la précarité. Nous recevions chaque jour leur gratitude lorsqu’elles partaient avec un panier bien rempli.
En parlant de gratitude, y a-t-il un moment qui vous a particulièrement touché lorsque vous étiez Responsable de la Gestion d’un centre de distribution alimentaire ?
Un jour, une femme divorcée est venue s’inscrire aux Restos du Cœur dans notre centre. Durant notre échange, elle nous a indiqué qu’elle cherchait un emploi et nous l’avons alors conseillée. Un mois après, elle était de retour pour, selon nous, chercher des denrées alimentaires… alors que finalement non ! Elle était venue pour nous partager une belle nouvelle et nous remercier de tout cœur car elle avait trouvé un emploi. Elle n’avait plus besoin de nous !
Repartons sur votre année de Master GESS. Quel serait votre souvenir le plus marquant ?
Il y en a deux. Le premier fut le voyage scolaire près d’Aix-en-Provence pour visiter un éco-musée. Le cadre était agréable, c’était au printemps et nous avons vraiment renforcé la cohésion d’équipe. A ce jour, nous avons encore un groupe WhatsApp sur lequel nous communiquons et organisons des sorties.
Une autre anecdote, plus drôle. La plupart de mes camarades du Master GESS était issue du domaine de l’ESS. Or, ce n’était pas du tout mon cas, c’est pourquoi l’on m’a conseillé de suivre quelques cours de la Licence Professionnelle Gestion des Organisations de l’Économie Sociale et Solidaire (GOESS). Je me suis alors retrouvé avec de très jeunes étudiants, ce qui était comique vu ma barbe blanche ! Le premier jour, les étudiants me fixaient mais n’osaient pas me poser de question. Puis, une étudiante a pris son courage à deux mains et m’a demandé : « Êtes-vous professeur ? ». Lorsque je lui ai répondu que non, cela a encore plus intrigué les étudiants !
"Je conseille vivement aux personnes intéressées par l’ESS de foncer car les nouvelles technologies ne pourront jamais remplacer ces fonctions, à l’inverse des emplois plus classiques."
Avec le recul, que vous a apporté le Master GESS dans votre carrière ou dans votre développement personnel ?
Le Master GESS m’a beaucoup aidé. Quand j’ai postulé aux Restos du Cœur, on m’a directement dit que j’avais le profil qu’il fallait - chose qui n’aurait pas eu lieu sans ce diplôme.
Le Master m’a appris à gérer financièrement une structure ESS, avec la préparation du budget : charges, production, subventions, etc. Aussi, j’ai découvert plusieurs notions RH car on ne gère pas de la même manière un salarié et un bénévole. Enfin, la méthode de l’intégration des innovations sociales dans une structure ESS m’a aidé car pour qu’une innovation prenne, il faut que les gens y adhèrent.
Auriez-vous des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient s’orienter vers le domaine de l’ESS ?
Pour moi, l’objectif de l’ESS est le bien-être sociétal. Son rôle devient de plus en plus important au vu de la situation actuelle du monde (pollution, conflits, etc.). De plus, avec le développement des nouvelles technologies et notamment l’intelligence artificielle, des répercussions sur la société ont et auront lieu. De ce fait, l’ESS est incontournable, il est nécessaire qu’elle se développe au même rythme que les nouvelles technologies, ceci pour que le bien-être commun soit effectif.
Ainsi, je conseille vivement aux personnes intéressées par l’ESS de foncer car les nouvelles technologies ne pourront jamais remplacer ces fonctions, à l’inverse des emplois plus classiques.
Merci Mahboub ! Auriez-vous un mot de la fin ?
Je suis très content d’avoir réussi ma reconversion, je me sens beaucoup plus utile aujourd’hui comparé à mes 35 ans de carrière dans les télécoms !
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