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Marin FERRY, Maître de conférences : spécialiste de l'économie du développement

Paroles d'enseignants-chercheurs

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09/04/2025


"J’ai dormi en pleine forêt. La nuit, j’entendais les lémuriens hurler et le jour, ces derniers venaient nous rendre visite près des tentes afin de voir ce que nous faisions.. après tout, sur leur territoire."

Responsable de la Licence 2 Économie et Gestion depuis 2023, Marin FERRY est Maître de conférences en économie. Sa spécialité ? L'économie du développement avec, récemment, une étude terrain auquel il a participé à Madagascar. 


Bonjour Marin. Pourriez-vous présenter votre parcours scolaire et professionnel s’il vous plaît ?

Plus jeune, j’avais pour ambition de devenir sportif de haut niveau. J’ai donc intégré un sport-études pendant un an au centre de formation de l’AC Ajaccio puis pendant deux ans au Toulouse Football Club afin de devenir gardien professionnel. J’ai passé mon Baccalauréat en candidat libre et, après 1 an à me consacrer uniquement au football sans que cela aboutisse à la signature d’un contrat professionnel je suis revenu dans ma région natale qui est l’Île-de-France.

J’ai décidé de poursuivre mes études à l’université et me suis inscrit à l’UPEC, en Licence d’Économie. Puisque je travaillais à côté de mes études en tant que surveillant dans un collège, je n’assistais qu’aux cours magistraux. J’ai souvenir d’une excellente enseignante qui venait en cours avec un journal et nous expliquait l’actualité brulante du moment, puisque j’ai effectué ma Licence en pleine période de la crise des subprimes. Cette enseignante m’a tellement marqué que j’ai voulu poursuivre mes études en économie.

Grâce à mes bons résultats de L1 et de L2 à l’UPEC, je suis parti en L3 Économie Appliquée à Dauphine où j’ai rencontré un super professeur d’économie du développement qui est devenu quelques années plus tard… mon directeur de thèse. Après ma L3, j’ai continué en Master 1 Affaires internationales et développement à Dauphine. Puis, pour mon M2, j’ai intégré le Master Politiques Publiques et de Développement (PPD) de l’École d’Économie de Paris (PSE). Les enseignements étaient pointus et m’ont permis de mettre un premier pied dans la recherche même si je ne savais pas encore si je voulais y poursuivre ma carrière…

J’ai alors fait un second M2, cette fois-ci en Diagnostic Économique à Dauphine. J’étais en apprentissage en tant qu’Économiste au Crédit Agricole au sein du service Recherche. C’était une belle expérience mais je me suis vite rendu compte que cela n’était pas fait pour moi. J’ai trouvé que l’on ne pouvait pousser nos analyses car il fallait répondre au plus vite aux demandes des services stratégiques de l’entreprise.

Cela fut un déclic pour me lancer dans une thèse. J’ai alors postulé au programme doctoral de Dauphine et ai réalisé ma thèse de septembre 2013 à juin 2017 sur le sujet suivant: « L’impact des annulations de dette dans les pays en développement ». Au sein de cette thèse, je me suis penché sur les effets socio-économiques des annulations de dette de ces pays : cela permet-il de davantage financer les infrastructures publiques (santé, éducation…) ? en découle-t-il des impacts en termes de développement économique et social ? J’ai adoré mon expérience de thèse. De plus, j’ai eu la chance de beaucoup voyager à la fois pour des missions de terrain institutionnel mais aussi pour des conférences : Sénégal, Burkina Faso, Japon, Canada, Europe… de superbes expériences !

Puis, retour à la dure réalité du marché du travail : trouver un emploi. Cela n’était pas simple. J’ai postulé à un concours national de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) pour un poste de Chercheur à temps plein où j’ai été reçu puis déclassé… J’ai alors réalisé quelques consultances pour l’IRD et me suis inscrit à la campagne de Maître de conférences. Cette fois-ci, j’ai été pris à l’IUT de Meaux (Université Gustave Eiffel) où je suis arrivé en septembre 2019. J’enseignais, et j’y enseigne toujours, des cours d’Économie pour les DUT/BUT.

Puis, un poste de Maître de conférence en Économie s’est libéré au sein de l’UFR de Sciences Économiques et de Gestion et j’y ai postulé car cela me permettait de me rapprocher des collègues chercheurs et chercheuses de l’Université Gustave Eiffel (UGE). J’y suis depuis 2023, date à laquelle j’ai pris la responsabilité de la Licence 2 Économie et Gestion.

En parallèle, je travaille en tant que Consultant recherche à la Banque de France sur des problématiques de restructuration de dette et de crise souveraines et donne également des cours dans d’autres universités.

 

Quelle serait une journée type en tant Maître de conférence ?

Ça dépend du jour de la semaine ! Cela change tous les jours car je me déplace beaucoup entre mes cours à l’UGE, ceux dans les autres universités et les rendez-vous pour avancer les travaux de recherche. Je pense que dans la semaine, je dois travailler dans 3-4 endroits différents !

Pour la partie recherche, je travaille avec mes co-auteurs au sein des bureaux de l’IRD, de la Banque de France et à Paris 1 (Sorbonne).

Pour ce qui est des enseignements, à l’Université Gustave Eiffel, je dispense les cours de Macroéconomie et Monnaie-Finance en L2 Économie et Gestion, ainsi que le cours de Local policies en Master DEIPM. Aussi, je donne des cours à l’IUT de Meaux, à l’ESIEE, à Dauphine, à la Sorbonne et à Sciences Po Bordeaux.

Puisque j’ai des cours par-ci par-là, j’essaye de venir au moins deux fois par semaine à l’Université Gustave Eiffel à la fois pour être avec les collègues, mais aussi pour essayer de me rendre disponible pour les étudiants. J’arrive généralement vers 9h30 et pars le soir vers 19h-19h30. Je travaille aussi les week-ends… Dimanche dernier, j’ai par exemple fini la relecture d’un article que je devais publier. Je m’y suis mis vers 21h et ai terminé vers 23h45. C’est vraiment un métier passion. 


"Nos économies occidentales sont arrivées à un stade de maturité avec de nombreux dysfonctionnements qui les caractérisent. Pour les pays en développement, il existe une marge de manœuvre plus importante pour faire la place belle à des systèmes alternatifs [...]."

Sur quels thèmes de recherche travaillez-vous ?

Mes domaines sont ceux de l’économie du développement et notamment les problématiques liées au financement du développement. J’essaie aussi de toucher un peu à tout car cela stimule ma curiosité et me permet d’apprendre tous les jours de nouvelles choses.

En ce moment, j’ai 3 projets de recherche sur lesquels je dois travailler en priorité et 4-5 de second ordre. Pour moi, il est important de travailler avec des personnes avec qui je me sens bien. La relation humaine prime sur tout le reste.


Pourquoi avez-vous fait le choix de l’économie du développement ? 

Ce qui m’a plu dans l’économie du développement, c’est son côté très éloigné de ce que je connaissais. Je suis arrivé dans ce domaine complètement novice, sans aucun apriori, où il y avait tout à apprendre et où il me reste encore énormément à découvrir.

Aussi, nos économies occidentales sont arrivées à un stade de maturité avec de nombreux dysfonctionnements qui les caractérisent. Pour les pays en développement, il existe une marge de manœuvre plus importante pour faire la place belle à des systèmes alternatifs sans forcément s’inscrire dans la même lignée que les économies développées et reproduire leurs erreurs, dont certaines sont difficilement réversibles. C’est une approche sans doute utopiste mais qui me continue de me motiver.

 

Pourriez-vous nous parler d’une recherche que vous avez récemment menée ?

Il y a un article que nous avons récemment publié avec une chercheuse de l’Université Paris Dauphine et qui s’intéresse aux conditions de vie des ménages ruraux de Madagascar. Ceux-ci vivent principalement de l’agriculture de subsistance et sont donc très vulnérables aux changements climatiques. Le niveau de pauvreté y est très élevé et l’insécurité alimentaire est forte.

Le but de cette étude est d’identifier des stratégies agricoles leur permettant de moins subir les conséquences des changements climatiques sur leurs récoltes et donc de vivre mieux. Une de ces stratégies dites d’adaptation souvent mise en avant est la diversification des cultures, ce qui va à l’encontre des théories économiques classiques jugeant préférable la culture d’une seule et même variété afin de générer des économies d’échelle. Notre étude montre ainsi que, dans le contexte malgache, la diversification des cultures permet d’accroître la sécurité alimentaire et de réduire l’impact négatif des sécheresses grâce à une meilleure gestion des risques et une plus forte résilience des agrosystèmes.

En parallèle de ce travail, je me suis rendu à Madagascar en octobre 2024 dans le cadre d’un autre projet de recherche conduit par des chercheurs et chercheuses de l’IRD et qui consiste à mettre en place un dispositif de connaissance, suivi et évaluation socio-économique et environnemental d’une future aire protégée de l’île, le massif du Makay. Cette zone très reculée est située dans le sud-ouest de Madagascar, à 4 jours de voiture de la capitale auxquels on ajoute 4 heures à pied.


"L’équipe et moi avons vraiment senti la différence de ce que nous avions préparé à Paris et la réalité du terrain. Le fait de comprendre la manière dont les gens vivent et, malgré cela, de voir qu’ils nous accordent de leur temps pour répondre à nos longs questionnaires de 30 pages, cela nous rend redevables vis-à-vis d’eux"

Le massif du Makay est un endroit riche en faune et en flore et historiquement peu visité des locaux et touristes. Le gouvernement malgache souhaite protéger cette zone or, comme il s’agit d’un endroit très reculé, les habitants sont extrêmement pauvres. Pour survivre, ces-derniers doivent puiser leurs ressources dans le Makay (bois, animaux…). La question est donc la suivante : si l’on protège le Makay, comment pouvons-nous permettre aux populations locales de se développer ?

Ainsi, la première étape était de connaître les interactions des locaux avec le massif du Makay. Pour cela, une équipe de chercheurs composée d’ethnologues et anthropologues est allée sur le terrain pour effectuer des études qualitatives avec les habitants d’un village de la zone afin de comprendre leur dépendance et relation vis-à-vis du Makay, mais aussi et de façon plus large leur mode de vie et défis quotidiens. Aussi, des écologues furent mobilisés pour mesurer la biodiversité du Makay, avec par exemple la pose de caméra-trap.

Pour ma part, j’ai participé au volet socio-économique de l’étude. En 2021, des collègues sont allés enquêter un peu moins de 400 ménages vivant aux alentours du massif afin de recueillir des données quant à leurs conditions de vie. Puis, en octobre 2024, nous sommes revenus pour de nouveau enquêter ces ménages et mesurer l’évolution de ces conditions sur les trois dernières années. Nous étions accompagnés par une équipe d’enquêteurs malgaches, principalement composée de très bons étudiants et étudiantes de master et de jeunes doctorant·es. Cette étude fut portée par l’Agence Française de Développement (AFD) et soutenue par le gouvernement malgache. Petite anecdote : puisque nous étions sur place, nous en avons profité pour récupérer dans le Makay les caméras-trap posées en août par nos collègues. Pour ce faire, nous avons dû arpenter la forêt pendant 3 jours à la recherche de ces caméras, bien aidés par le GPS.

 

Quel serait votre souvenir le plus marquant en tant que chercheur ?

Définitivement celui-là ! J’ai dormi en pleine forêt. La nuit, j’entendais les lémuriens hurler et le jour, ces derniers venaient nous rendre visite près des tentes afin de voir ce que nous faisions.. après tout, sur leur territoire.

Aussi, l’équipe et moi avons vraiment senti la différence de ce que nous avions préparé à Paris et la réalité du terrain. Le fait de comprendre la manière dont les gens vivent et, malgré cela, de voir qu’ils nous accordent de leur temps pour répondre à nos longs questionnaires de 30 pages, cela nous rend redevables vis-à-vis d’eux. C’est dans ces moments-là que l’on se rencontre aussi que la recherche est importante !

 

Merci Marin ! Quelles seront les prochaines étapes de vos travaux ?

Je dois bientôt présenter un article de la Banque de France en conférence. En parallèle, avec les collègues de l’IRD, nous allons prochainement récupérer les données de l’étude terrain d’octobre dernier à Madagascar. Nous allons enfin pouvoir les analyser. Enfin, il y a me reste l’habituelle valorisation de la recherche et essayer de publier les articles de recherche, jamais une mince à faire.


Pour suivre les travaux de Marin, vous pouvez consulter son site : https://marin-ferry.weebly.com/

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